En 1999, donc, je réalise un vieux rêve…
La chance m’accompagne, et les quelques adresses dont je dispose sont les bonnes : je rencontre le maître Gita Lulin Maung Koko “U Koko” l’un des plus grands musiciens du pays, qui, au fil de mes différents séjours prend ma démarche au sérieux et m’enseigne avec patience une petite partie de l’immense répertoire de la musique classique birmane : le Maha Gita.
Mes séjours suivants, de 2003 à 2012 seront chaque fois plus intéressants, plus profonds, et plus riches à la fois dans ce qu’ils m’apportent d’un point de vue personnel, et dans les échanges que je peux développer entre ma culture et la culture birmane.
L’histoire du piano dans la culture birmane est assez singulière pour qu’on s’y intéresse d’un peu plus près.
L’histoire du piano en Birmanie
Le roi Mindon, qui était un homme avisé et un fin diplomate, entretenait d’assez bonnes relations avec les « envahisseurs » occidentaux, et parvenait à maintenir une certaine indépendance face aux velléités colonialistes.
Vers 1870, il reçut de la part d’un diplomate italien un cadeau assez curieux : un piano !
Fidèles à leur capacité d’intégration d’éléments nouveaux, les birmans s’approprièrent aussitôt cet instrument (ainsi d’ailleurs que le violon, la mandoline, guitare…), mais l’utilisèrent uniquement selon leurs propres critères, et pour leur répertoire classique traditionnel.
Ainsi, au début, on ne jouait que les touches blanches avec deux doigts (pouce et index) en imitation du mode de jeu du Pattala (xylophone) ou du Pat-Waing ; puis, progressivement, la technique s’enrichit et profita de la nouvelle technique de jeu de la harpe (Saung), foisonnante et très ornementée, destinée à mettre en valeur un interprète virtuose.
Le piano tint aussi un grand rôle dans l’accompagnement des films muets.
U Koko
Gita Lulin Maung Koko, son nom signifie le jeune homme voué à la musique, est un des plus grands musiciens birmans ; il représente la tradition, de par sa parfaite connaissance du répertoire classique, le Maha Gita ; mais il est aussi à la pointe de la modernité et de l’actualité musicale du pays, par ses créations constamment renouvelées de musiques de scène pour le Pya Zat (théâtre), de films, ou d’accompagnement d’événements en tous genres.
Né en 1928 à Bogale, il débute une carrière d’enfant prodige au Pattala, le Xylophone birman ; il poursuit sa formation comme chanteur et compositeur, et découvre le piano. Il contribue largement à l’essor de cet instrument, très apprécié entre autres dans l’accompagnement des films muets. U Koko passera en sa jeunesse des heures dans les salles obscures, profitant de cette opportunité pour perfectionner sa technique et inventer différentes versions des chants du répertoire.
Il a pu sortir du pays en 1993 pour une tournée au USA et au Canada, révélant au public occidental son art du piano caractéristique de la tradition birmane : virtuosité, tempi rapides à la limite du possible, contrastes marqués et effets de surprise.
Jusqu’à sa mort en 2007 Il a accueilli chez lui les rares musicologues qui ont pu venir en Birmanie pour étudier, leur a donné sans compter son temps et son savoir, au service de la musique.